Le Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014, dont le dossier de presse avait été présenté le 26 septembre 2013, comporte une mesure technique destinée à augmenter les taux de cotisations sociales sur les intérêts et plus-values réalisés depuis 1997, en leur appliquant le taux en vigueur au lieu du taux historique prévu. La récente médiatisation de cette mesure, notamment chez Radio France et Europe 1, ce matin, pourrait faire pression sur le législateur pour qu’elle soit enterrée.
Sur cBanque, nous sommes fiers d’avoir été le premier média à signaler que cette mesure posait un problème de légalité constitutionnelle du fait de sa rétroactivité. Voir notre papier du 27 septembre, le gouvernement veut une rétroactivité sur le calcul des cotisations sociales dans notre rubrique analyse et décryptage.
Maintenant que cette mesure n’est plus confidentielle et que des grands médias généralistes s’en sont emparés, il y a beaucoup plus de chance que le texte soit amendé ou, au pire, que les sages du Conseil constitutionnel soient plus attentifs à ce point précis, et censurent alors la mesure (comme ils l’avaient déjà fait il y a un an à propos d’une requalification rétroactive du Prélèvement forfaitaire libératoire).
Mais il faut dire que l’on entend (et notamment de certains politiques) ou que l’on lit un petit peu n’importe quoi sur ce sujet, qui reste très technique ! Par exemple, que cette mesure est rétroactive car elle s’applique à compter du 26 septembre 2013 ou qu’elle touche les classes populaires (c’est-à-dire des gens qui ont assez d’argent pour le placer pendant des décennies sur un PEA, une assurance-vie et un PEL).
Le problème que pose la rétroactivité de cette mesure est qu’elle modifie le taux de cotisations sociales selon la date de clôture du produit. Ainsi, une clôture effectuée un 20 septembre 2013 et une autre le 30 septembre 2013 (1), portant sur des mêmes montants, n’auront pas les mêmes contributions à payer. C’est qu’on appelle une rupture d’égalité. Voir à ce propos le blog JacquesDuhel.com qui donne un exemple chiffré.
Les défenseurs de cette mesure plaident au contraire une nouvelle égalité de traitement entre les contribuables, en citant en particulier le cas des plus-values immobilières qui sont soumises, elles, aux cotisations sociales au taux en vigueur au moment de la vente.
Mais il faut regarder dans le rétroviseur pour mieux comprendre pourquoi les PEL, PEA et AV sont soumis à des taux historiques.
Lorsque les premiers prélèvements sociaux ont été mis en place sur les revenus du capital, en 1997, ils sont devenus applicables à des produits sur lesquels aucuns prélèvements n’avaient jamais été réalisés, comme le plan d’épargne logement. Le législateur a donc décidé, à l’époque, que la CSG et CRDS ne seraient prélevées qu’à la clôture du produit. Pour le cas du PEL, en 2006, ce prélèvement a ensuite été anticipé lors du 10eme anniversaire du produit. Et enfin, depuis 2011, les nouveaux PEL sont soumis socialement chaque année. C’est-à-dire qu’à partir de 2021, il n’y aura plus de prélèvements en retard, à faire à un taux historique. Mais ce n’est toutefois pas le cas du PEA et des versements assurance-vie effectués avant 1997.
Bref, le législateur d’antan a créé une situation que le législateur actuel veut corriger rétroactivement. Pourquoi alors ne pas taxer les personnes qui ont le droit à un Livret A doublonné avec un Livret Bleu, car ils ont été ouverts avant 1979 ! Aujourd’hui, ce n’est pas équitable : il faut les taxer depuis 1979 !
Mesdames et messieurs les députés et sénateurs, simplifiez ! Mais à partir du 1er janvier 2014, pour que tous les gains et produits réalisés soient taxés, dorénavant, au taux en vigueur au moment du fait générateur. Mais ne le faites pas de manière honteusement rétroactive !
(1) la date du 30 septembre est une hypothèse puisque cette loi n’est pas encore applicable !