Les banques en ligne seraient-elles en train d’abandonner la promesse de gratuité de leurs services et de s’« embourgeoiser » ?
Les banques en ligne proposent un « deal » simple : la gratuité de la carte bancaire et des principales opérations du quotidien, ainsi qu’une gestion entièrement en ligne. Comment peuvent-elles proposer du gratuit alors que l’offre équivalente est payante dans les banques traditionnelles ? C’est simple : elles ont des frais généraux moins importants, n’ayant pas d’agence de proximité à entretenir, ni de personnel pour s’en occuper. Elles comptent aussi sur les économies d’échelle : avoir le plus grand nombre de clients, et maximiser ainsi deux sources de revenus : les dépôts d’argent sur les comptes et le nombre de transactions effectuées.
Ces deux sources, toutefois, sont en repli ces dernières années, à cause des taux d’intérêt bas (voire négatifs) et des réglementations qui, petit à petit, limitent les commissions interbancaires (celles payées par exemple par les commerçants sur un achat par carte dont une partie est reversée à la banque du porteur de la carte). Un contexte qui modifie progressivement l’offre des banques en ligne. Il y a encore 4 ans, la seule contrepartie pour obtenir la gratuité de la carte bancaire était d’afficher des revenus nets d’au moins 1 200 à 1 500 euros par mois, mais sans obligation de les domicilier dans la banque.
La gratuité mise à mal
Aujourd’hui, les principales banques en ligne sont, il est vrai, un peu plus accessibles : il suffit ainsi de disposer de revenus d’au moins 1 000 euros mensuels pour avoir le droit d’ouvrir un compte bancaire avec une carte gratuite chez Hello Bank ou Boursorama. Mais cette dernière propose désormais aussi des comptes payants : l’offre Welcome à 1,50 € par mois pour ceux qui ne peuvent pas respecter la condition de revenu, ainsi qu’une offre pour les pros à 9 € par mois.
Chez Fortuneo et BforBank, la barre d’accès est un peu plus haute, respectivement à 1 200 et 1 600 euros de revenus nets mensuels. Mais elles ont aussi toutes les deux conditionné la gratuité à une utilisation minimale de la carte. Il existe, dans la première, des « frais d’inactivité de la carte bancaire » si celle-ci n’est pas utilisée durant 4 mois, et dans la seconde des « frais pour non-respect des conditions d’utilisation » lorsque le quota de 3 paiements par trimestre n’est pas atteint.
AXA banque a d’ailleurs utilisé le même filon ! Jusqu’à fin 2016, la carte bancaire était payante avec une possibilité de remboursement, total ou partiel, en fonction de l’utilisation. Depuis le début de cette année, la carte est désormais proposée gratuitement sous réserve de payer avec, pour au moins 900 euros par trimestre. Un simple changement de perspective qui permet de gagner quelques places dans les comparateurs de tarifs…
De son côté, ING Direct a eu longtemps comme unique condition d’accès à son compte gratuit le versement de 750 euros par mois. Après un flottement de quelques mois et une suspension de cette condition en août 2015, elle est revenue en force, à partir de juin 2016. Ce sont désormais 1 200 euros qu’il faut verser chaque mois sur le compte pour rester en gratuit, sinon des « frais de non-respect » sont appliqués.
A l’inverse, Monabanq a depuis le départ pris le parti de facturer quelques euros par mois, sans imposer de conditions de revenus ou de versement. Un modèle de fonctionnement finalement assez proche des nouveaux entrants sur les comptes bancaires (techniquement, des comptes de paiement) que sont Carrefour C-zam ou encore Compte Nickel.
Changement de génération ?
Dans la jeune histoire de la banque en ligne en France, les pionniers de la première génération, Zebank et Banque Directe, ont aujourd’hui disparu. La seconde et actuelle génération a tout d’abord commercialisé des produits d’épargne (du livret d’épargne pour ING Direct et BforBank ; de la bourse pour Fortuneo et Boursorama) avant de proposer des comptes de dépôts. Ces banques tentent maintenant de distribuer des produits qui rendent leurs activités plus rentables, l’assurance-vie et le crédit immobilier en particulier. De quoi les faire ressembler un peu plus aux banques traditionnelles, les agences en moins !
Dans les prochains mois, la banque en ligne de l’opérateur Orange va débarquer. Certains y voient une simple diversification des activités du groupe télécom, un peu à la façon du Crédit Mutuel qui distribue des abonnements téléphoniques. Mais Orange Bank pourrait être plus que cela ! C’est le signe que la banque de détail est devenu un métier principalement technologique, qui intéresse fintechs et géants de l’internet et de l’informatique. Nous assistons peut-être à la naissance d’une nouvelle génération de banque en ligne…